Lorsque le contexte n’est pas appréhendé, les projets destinés à soutenir l’autonomisation et l’émancipation économique des femmes peuvent entraîner des conséquences involontaires si les enjeux liés au genre et aux violences basées sur le genre (VBG) ne sont pas pris en compte. Chez Empow’Her nous avons souhaité nous pencher sur ces dimensions et leur intégration dans nos méthodologies de travail pour garantir une pleine protection des femmes apprenantes que nous accompagnons.
Le risque des interventions mal adaptées
Une étude menée le semestre dernier a démontré que parfois les programmes de formations des femmes à l’entrepreneuriat, notamment en milieu rural, engendrent des tensions au sein des ménages ou des communautés, augmentant les risques de violences à leur encontre. Ce phénomène, appelé backlash, peut survenir lorsque les programmes n’ont pas tenu compte des rapports de pouvoir existants et des normes culturelles qui influencent les comportements.
En effet une femme bénéficiant d’un programme d’accompagnement à l’entrepreneuriat peut être perçue comme une menace à l’équilibre des rôles traditionnels, notamment lorsqu’elle génère un revenu, ce qui peut exacerber des dynamiques de contrôle ou de violence au sein de son foyer.
L’étude a démontré que certaines femmes accompagnées ont subi des violences de la part de leurs maris lorsque ceux-ci ne leur avait pas accordé l’autorisation de participer à nos programmes, qu’ils ne connaissaient pas le contenu des formations ou encore qu’ils pensaient que les femmes obtenaient des financements dont elles ne leur faisaient pas part.
Garantir le principe de “ne pas nuire” et prendre en compte les VBG
Depuis son adoption d’une vision 2030 tournée vers un entrepreneuriat féministe, transformateur des dynamiques de genre au niveau individuel, communautaire et societal, Empow’Her souhaite adopter un approche genre hollistique au sein de tous ses projets. Une telle approche se base notamment sur le principe de “ne pas nuire” qui implique que tout programme soit conçu pour anticiper et limiter les conséquences négatives possibles sur les participantes.
Pour cela l’étude a su proposer une série de recommandations pratiques et d’outils qui permettent de:
- effectuer un diagnostic de genre en amont des projet ou lors de leur implémentation pour amender ou intégrer des activités pour prévenir les violences basées sur le genre
- concevoir des dispositifs de protection pour éviter que les femmes apprenantes ne soient exposées à de nouvelles formes de violence
- mettre en place des mécanismes d’attention lors de témoignages de violences pendant des formations
- avoir un référentiel d’évaluation avec des indicateurs de mesure d’impact sur la prise en compte du genre et des violences basées sur le genre dans les projets
- former les équipes Empow’Her sur l’écoute active, la posture du/de la formateur.ice face à des témoignages et l’orientation de survivantes de violences
- impliquer d’autres acteur.ices de la lutte contre les violences basées sur le genre et créer des canaux de communication pour une prise en charge simplifiée
Une telle démarche repose sur une méthodologie rigoureuse qui inclut des évaluations d’impact avant, pendant et après la mise en œuvre des programmes mais surtout une volonté des équipes Empow’Her.
Impliquer les hommes
Toute intervention pour accompagner les femmes à l’émancipation économique en milieu rural ne peut se faire sans s’adresser et impliquer activement les hommes.
Longtemps l’approche Femmes et Développement à écarter les hommes des projets de développement pour s’assurer d’une discrimination positive en faveur des femmes pour tenter de rééquilibrer les inégalités d’accès aux opportunités. L’expérience de Empow’Her depuis plus de 10ans sur le terrain ainsi que les études récemment produites nous ont prouvé que la clé de l’émancipation des femmes est l’implication des hommes.
C’est pourquoi nos programmes d’accompagnement à l’entrepreneuriat ont un volet dédié aux hommes. Ces formations pour les hommes sont primordiales car elles permettent premièrement d’informer et de rassurer les hommes sur les formations données aux femmes et donc d’accorder aux femmes plus de liberté dans leur participation. Deuxièmement, ces espaces sont l’occasion de mieux appréhender les dynamiques de pouvoir et donc de concevoir des interventions adaptées aux contextes. Ce sont aussi des portes d’entrées pour sensibiliser les hommes et transformer plus durablement les comportements, notamment au sein du couple. Enfin, si les femmes acquièrent une conscience féministe, un désir d’émancipation, et à termes, les outils pour l’obtenir, il faut pouvoir contribuer à créer l’environnement et les conditions pour que ceci soit envisageable et réalisable.
Vers des programmes inclusifs et transformateurs
Pour que les projets atteignent pleinement leurs objectifs d’autonomisation et de transformation émancipatrice, ils doivent ainsi s’inscrire dans une démarche globale qui considère les participantes non seulement comme des bénéficiaires, mais aussi comme des actrices du changement dans leurs communautés et au niveau sociétal.
Une approche genre et VBG n’est pas seulement une bonne pratique : elle est essentielle pour la réussite et la durabilité des programmes de formation et d’intervention. En tenant compte des réalités complexes des inégalités de genre et des violences, les acteurs du développement peuvent maximiser l’impact de leurs actions tout en protégeant les femmes et en promouvant des relations égalitaire.